Aujourd’hui je craque, c’est bien beau de bosser à l’institut mais à part me rendre là où on m’a dit de faire trois courses (donc magasin assez classe pour moi et les gens de l’IIM), je n’ai toujours pas fait le petit tour de repérage en free lance qui permet de se sentir ensuite chez soi.
Alors c’est parti, avec comme unique objectif (raisonnable) de trouver un « alarm clock » je me fais déposer à la limite de mon univers connu et poursuis au hasard.
Environ 20 minutes après et deux quartiers plus loin a pied, je trouve ce que je veux, plus du shampoing fructis pour prendre bien soin de mes cheveux encore vaillants… Et là je continuerais bien mais me retrouve comme un con car je me rend compte que je suis dans une ville de 2-3 millions d’habitants (il me semble) et que comme on prend bien soin de nous pour tout à l’institut, je ne sais même pas si je me trouve à 5 ou
A partir de là c’est que du bonheur, maintenant que je sais où est le nord et que vu la distance je m’aperçois qu’il est vain de tenter de rallier le fleuve à pieds, facile d’indiquer à un pilote (c’est bien le terme !!) le « Neru Bridge » et « across ».
Ensuite, il est difficile de décrire le reste. Ce qui vient en premier sont les poncifs habituels, entendus et re-entendus : les bidonville au pied du luxueux hôtel meridien… Je vous épargnerai donc les photos de vaches sacrées en liberté et de dromadaires tirant des charrettes en plein centre ville. Je vous épargnerai aussi les photos de mendiants infirmes ou handicapés, de stands de fruits bricolés sur trois cageots à roulette et de campements d’intouchables vivant un peu partout sur les trottoirs. Il est vrai que rien n’est exagéré dans les descriptions que j’avais pu entendre auparavant. Mais comme je le précisais récemment, ce n’est pas tant la violence ou le choc du spectacle qui compte, que le regard instantané que l’on porte quand on y est confronté.
Hors, vendredi 10 février, je me sens à Amdavad comme si j’y étais depuis un ou plusieurs mois. Je déambule sans me poser de questions ; si dans une ruelle je sens le regard des gens un peu trop surpris de me trouver ici, je bifurque pour rejoindre une avenue plus ouverte et animée (ne tentons pas le diable non plus, n’oublions pas qu’avec 200€ je vais vivre, payer mon loyer et la nourriture pendant trois mois dans le Kutch ; donc avec mes quelques milliers de roupies dans la petite pochette contre ma poitrine et mon appareil photo compact canon™ je peux faire vivre une famille pendant quelques mois ou années). Je profite de l’ambiance et suis moins sollicité par les vendeurs que je ne l’aurais cru, c’est à l’aise.
Comme je l’ai déjà dit, à ma grande satisfaction, tout me parait plus ou moins normal. Je suis ici, dans une réalité autre que l’occident, que rien ne peut me rappeler, l’extrême y est normal et il n’y a pour ainsi dire aucune tentative consciente ou inconsciente de comparaison, donc pas non plus d'echelle de tolerance.
Restent des impressions, générales, un certain émerveillement devant certains tissus, pour certaines odeurs, pour deux trois petits mots échangés qui finissent par une bonne blague et un bon éclat de rire entre deux personnes qui sont bien trop différentes pour être amies un jour. Reste aussi la découverte, non pas émerveillée mais curieuse de cette ville étrange, poussiéreuse grouillante. Ici, tout peut faire l’objet d’un commerce, le moindre prétexte de service peut faire subsister quelqu’un. Je souris en voyant cet homme dont la seule fortune est un pèse personne flambant neuf, qui attend entre deux vendeurs aussi improbables que lui, que quelqu’un souhaite connaître son poids moyennant quelques roupies. J’observe les vieux bâtiments tout droit sortis d’un film quelconque qui ne tiennent que par la volonté des nombreux passants qui en longent les cinq étages. Ou encore les bâtiments neufs, élevés à bras d’homme et qui sitôt finis sont recouverts de poussière et d’une patine qui leur donne bien un demi siècle.
En fait parfois me vient l’idée saugrenue que ces bâtiments doivent être vides tant l’activité se passe dans la rue. Ils sont là pour le décor, mais les gens vivent dehors. Ou bien, encore plus probable, c’est aussi bourdonnant et peuplé dedans que dehors. Voilà la ville.
Je ne suis pas trop tourisme monuments et musées (donc pas trop photos comme vous vous en rendez compte) mais je suppose tout de même qu’il faudra que je me force à rouvrir mon Lonely Planet™ avant de partir afin de ne pas passer à côté d’un temple extraordinaire ou d’un spectacle inoubliable. En attendant, dimanche, départ pour Bhuj et le site minier au fin fond du kutch où sera mis en place le condenseur. Donc pas d’Internet là-bas, je pense tout de même vous confier quelques impressions à intervalle de quelques semaines.
Une bonne bise à tous, la prochaine fois si c’est un peu moins boulot je vous invite, ça serait assez sympa de faire un petit rond à deux trois pingouins dans ces contrées incroyables. Mais pour l’heure c’est très axé travail et résultats ! Ils ne rigolent pas ici, d’ailleurs j’ai du me déguiser aux couleurs locales, je vous montre c’est assez marrant. Rassurez vous, je ne vais pas me promener en ville comme cela…
A bientôt